Compte-Rendu  de la réunion publique d'information qui s'est tenue vendredi 18 octobre, à 20h45, à la salle polyvalente de Villiers-le-Bâcle.


Certains et certaines d'entre vous s'y sont également rendus, et j'ai déjà eu l'occasion d'en faire un résumé à M. Paul et Mme Merri lors de notre réunion "réseau" il y a une semaine chez Isabelle Morgan, mais comme je sais que d'autres personnes (dont Madame COLOMBEL, par exemple) ne pouvaient s'y rendre, voici succintement ce qui y a été présenté. D'abord, toutes mes excuses que ce CR soit si tardif. D'autre part, je m'efforcerais d'être neutre et objectif mais pardonnez-moi si des pointes d'ironie devaient m'échapper ici ou là; et si j'oubliais des points importants, d'autres (Arnaud, M. Damany, Michel?) pourront sans doute rectifier ou compléter.

Il s'agissait de présenter à la population, sous leurs aspects SCIENTIFIQUES les projets de R&D Danone Vitapole, et trois projets du CEA: Soleil, Neurospin, et l'extension/regroupement du LSCE.
Le nouveau site du LSCE serait à l'intérieur de l'enceinte du CEN. Neurospin serait en face de SOLEIL, vers Saint-Aubin.
Chaque exposé durait environ une heure. La salle était comble, il fallait même rester debout! Le modérateur était Jacques Hur (je peux donner son @email), qui fait partie d'un groupe de réflexion sur l'intercommunalité fort dynamique (l'organisation de cette soirée s'est montée en moins d'un mois).
Globalement, j'ai trouvé cette réunion publique très instructive, juste un peu frustrante car ne permettant pas, vu son planning serré (4 heures d'exposés!), de poser toutes les questions ni d'engager de vrais débats. En particulier, presque toutes les questions liées aux conséquences de ces projets sur la qualité de vie et les infrastructures, ont été "remises à plus tard" car les orateurs étaient des scientifiques (enthousiasmés par leurs recherches et leur projet, va sans dire) et parce qu'une autre réunion publique, de même nature mais où seront abordés spécifiquement ces questions sensibles, est prévue. A vos calepins donc : pour le premier trimestre 2003.

En fin de soirée, Jacques Hur m'a également fait part de son souhait d'étendre ce processus de réflexion sur l'intercommunalité, actuellement en cours à Villiers/Saint-Aubin, à d'autres groupes citoyens d'autres communes concernées. Donc je pense que c'est une information qui intéressera plusieurs d'entre vous dans le Réseau.

DANONE :
Le représentant du groupe Danone, (je l'appellerai Mr Danone, non par irrespect mais parce que je n'ai pu noter son nom), en commercial chevronné nous a fait une démonstration éblouissante, belles photos à l'appui, des performances high-tech de la R&D Danone et de ses bienfaits en matière d'alimentation et de santé. Qualité et sécurité des produits. Packaging. Les produits concernés par les recherches : biscuits, produits laitiers, eaux minérales, fruits...
Alors, sur quoi travaillent ces 600 chercheurs et ingénieurs?
D'abord, tous leurs produits sont caractérisés et quantifiés en termes de "sensovaleur", "vitavaleur", "nutrivaleur", "technovaleur". Danone Vitapole recherche dans ses produits la "Naturalité" (Si ! et ceux qui pourraient croire que ce mot est un synonyme savant pour "bio" se trompent.
C'est un concept complexe. Retrouver la naturalité exige, parait-il, le nec plus ultra des technologies. Mais soyons rassurés, Danone est à la pointe.).
Produire une texture de génoise parfaite, zéro défaut, sans fissure même vu au microscope, et qui vieillisse bien; c'est pas simple ! Ne parlons pas des goûts, des saveurs, des odeurs, des couleurs...
Au "Centre de Sécurité Alimentaire", on élabore des stratégies et des outils pour la "gestion des risques déjà identifiés et émergents" (ôter les dioxines du lait qu'ils utilisent, par exemple! ou, à la demande du FAO, carbohydrates lents pour combattre les problèmes d'obésité dans le monde!).

Par ailleurs, des psychologues et des "experts" décortiquent les préférences gustatives de nos enfants, afin de pouvoir leur concocter en un temps record de nouveaux produits ("faire naître des concepts gagnants en parfaite adéquation avec les tendances modernes de consommation"). La "sensovaleur" (définition de leur plaquette) : "appréhender les préférences alimentaires des consommateurs en définissant plus finement les cibles sensorielles (arômes, texture...)".
Beaucoup de recherche aussi sur les emballages (design, impact psychologique, longue conservation, etc).

Ca, c'est pour le contenu, la "science". No comment...

Pour la forme :
Vitapole c'est 10 000 m² de pilotes pour les produits laitiers, les biscuits, l'eau, les fruits.
+ 10 000 autres m² pour les laboratoires (chimie, science de la vie, création produits, labos d'analyse, labo de sécurité alimentaire).
En tout, 30 000 m², sur un terrain de 10 ha. Il parait qu'il fait bon y travailler, qu'on s'y rencontre, et que "la nature pénètre à l'intérieur du lieu de travail".
Je partage avec vous cette phrase sur leur plaquette : "L'architecture largement ouverte sur une nature omniprésente, s'intègre harmonieusement dans son environnement et respecte le bien-être des hommes qui l'habitent."

Sur les images de présentation, on ne voit pas le parking de 600 places qu'il faudra mais plein d'arbres épanouïs autour des bâtiments. Il faudra attendre un peu qu'ils poussent...et qu'ils soient plantés.

Le site sera-t-il ouvert au public, une des conditions de leur implantation à Palaiseau? à cette question posée Mr Danone a paru gêné et évasif. Il y aura peut-être un circuit de visite.
Je me demande s'ils feront visiter aussi les restes (?) de ruines gallo-romaines non démolies au buldozer ou coulées sous le béton.

Lorsque les questions d'infrastructure et voirie ont été soulevées, on nous a répondu qu'une autre réunion serait plus adéquate.

Mr Danone a insisté sur la raison de l'implantation de Vitapole sur le Plateau : (1) ils voulaient regrouper les métiers sur un même site, pour plus de synergie et d'efficacité ; (2) dans un lieu attractif pour leurs chercheurs et ingénieurs et leurs familles ; (3) trouver/exploiter des synergies avec les autres centres de recherche et de technologie du Plateau, dans des compétences variées ; (4) au départ, plusieurs régions et pays étaient candidats, mais c'est cette concentration de matière grise sur le PdS qui a fait basculer la décision du groupe.

Il parait clair que la qualité exceptionnelle du site a également beaucoup contribué. Car cette ruralité alentour, dont ils ne se servent pas pour leurs produits, en revanche sert à merveille leur image de groupe très porté sur les questions de nature, de santé, et d'environnement, comme n'a cessé de le répéter Mr Danone. Les mots Nature et "respect de l'environnement" sont des leït-motiv.

Pour preuve de cette bonne volonté, nous avons appris que l'architecture des bâtiments est HP6 (haute qualité environnementale) : choix de matériaux écologiques, aucun solvant n'a été utilisé, le chantier était "propre", etc...
(Moi qui cours souvent sur ce coin du Plateau, je peux attester que quantité de matériaux plastiques, laine de roche ou autres produits dérivés du lait ont essaimé allègrement dans les alentours du chantier...et il s'en trouve encore!)

SOLEIL
Orateur: Denis Raoux
denis.raoux@soleil.u-psud.fr

Un anneau de 350 m de circonférence, où les électrons seront accélérés à la vitesse de la lumière sur une trajectoire précise au micron. Il y aura 43 "lignes de lumière" permettant d'exploiter les rayons X produits par ces électrons (mais seulement 10 lignes en 2006). A chacune de ces lignes, pourront être installées, pour des durées variables, des expériences La plupart des utilisateurs seront de passage. 40% viendront de la région parisienne, 60%, originaires de toute région et tout pays, seront hébergés sur le site. En tout, 1200 personnes + les visiteurs.

Nombreuses applications pour étudier la structure des matériaux à l'échelle du micron (par exemple les fils d'arraignée, ultra résistants, la structure osseuse, les nouvelles super-génoises de Danone Vitapole).

SOLEIL est un instrument national, qui aurait pu s'implanter n'importe où, et d'utilisation internationale. Mais sur 1.3 milliards de francs d'investissement (et autant de fonctionnement et salaires sur 8 ans), le Conseil Général et la Région en ont financé 1 milliard ! Le reste du financement est CNRS (28%) et CEA.

Il va y avoir une enquête publique. Mais je n'ai pas compris si ça concernait le dépôt de permis de construire ou seulement les lignes à haute tension.

NEUROSPIN
Orateur : M. Le Bihan

Pour étudier le cerveau et le cartographier avec de grandes résolutions, par imagerie par résonance magnétique. Pour passer de détails de 1mm à 10 microns, et descendre le temps de pause à la milliseconde, il faut des champs magnétiques énormes. Les hopitaux ont généralement des aimants de 1.5 Tesla, Orsay en possède un de 3 Telsa, et il n'existe dans le monde que trois aimants pour IRM de 7 Tesla. Qui dit mieux? Le CEA avec Neurospin ! Cocoricco.
Il s'agit donc de construire un Centre d'études avec trois aimants à 3, 11.7, et 17 Tesla. Objectif: opérationnel en 2005.

Je ne sais pas ce qu'il reste d'activité cérébrale intéressante à étudier à ces champs-là (vu que nos neurones communiquent aussi en véhiculant des champs magnétiques des millions de fois moindres, et qu'il faut des capteurs magnétiques ultrasensibles à SQUID pour les imager) mais bon, ça a l'air de les exciter beaucoup...et puis, quand même, un aimant de 17 Tesla, c'est un sacré gros machin !

LSCE (labo des sciences du climat et de l'environnement)
Oratrice: Pascale Delecluse, directrice adjointe.

Pour ceux qui ne le connaîtraient pas, cette unité mixte de recherche du CEA créée en 98 étudie l'évolution du climat, ses variabilités naturelles dans le passé, les cycles du carbone et des aerosols, les intéractions chimiques et thermodynamiques complexes biosphère-atmosphère-océans, par des simulations de plus en plus poussées et des campagnes d'expériences à l'échelle du globe. C'est un labo prestigieux, qui coordonne ses recherches avec de nombreux autres instituts en France mais aussi à l'étranger, dans le cadre de plusieurs programmes internationaux, comme l'International Geosphere and Biosphere Program. Le LSCE a deux composantes, l'une à l'Orme de Merisiers, l'autre à Gif-sur-Yvette (LSCE-Vallée).

Le sujet du réchauffement climatique et de l'effet des activités humaines sur celui-ci étant à l'ordre du jour (Le Groupe Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat qui regroupait de nombreux scientifiques a cette année clairement conclu à la réalité de ces derniers, et les scénarios pour l'avenir, bien qu'imprécis, sont tous plus ou moins catastrophiques car ils prédisent un phénomène de rétroaction positive et d'emballement...) le LSCE a du pain sur la planche.

Dans ce contexte, le LSCE souhaite se regrouper sur un site unique pour plus d'efficacité, dans de nouveaux locaux, et se doter de nouveaux moyens de simulation et d'expériences, et de la possibilité d'embaucher et d'accueillir des chercheurs étrangers.
Ce qui est visé, à l'horizon 2006 : un labo de 300 personnes, 10 000 m² de locaux. La proposition n'a pas encore abouti.

Questions à la fin de l'ensemble des présentations :

Pourquoi s'établir ici ?

Pour Danone, potentiel scientifique stimulant (et "naturalité" du paysage qui fait vendre).

Pour SOLEIL :
Pourquoi le partage d'un instrument commun à la France et l'Angleterre, initialement envisagé, a-t-il échoué?
Parce que pardi, chaque pays de la taille de la France a besoin de SON synchrotron. Raoux envisage que dans 20 ans, la demande tombera (sans doute parce qu'on aura construit autre chose de mieux d'ici là, j'imagine...) mais pour l'instant, pas question de partager, trop de besoins, on peut et il faut faire du synchrotron à toutes les sauces. Soit.

Pourquoi le synchrotron européen situé à Grenoble ne suffisait-il pas?
Parce qu'il ne convient pas aux hautes énergies. En revanche, celui de Grenoble sera plus performant que Soleil aux basses énergies. Ils sont donc "complémentaires".

Fallait-il créer ce synchrotron encore une fois en Région Parisienne?
Premier argument, c'est la proximité de LURE à Orsay, avec son expérience et ses personnels techniques compétents.
Mais le directeur du centre de Saclay, présent dans la salle, vole au secours de D.Raoux pour affirmer que la région parisienne, après quelques années de décentralisation, s'avère déjà être devenu un quasi-désert en termes d'équipements scientifiques lourds, une tendance qu'il fallait vite enrayer. Trop de décentralisation, donc...

Des risques ? :

Pour Soleil comme pour Neurospin : rien à craindre.
Les X produits par le synchrotron sont canalisés et blindés.
Les champs de plusieurs Tesla de Neurospin imposeront des zones-tampon de plusieurs mètres autour des aimants, mais seulement à cause de leurs effets sur les objets sensibles au champ magnétique. Pas d'effet sur la santé (nous dit-on).

Quid des infrastructures ? :

Energie :
Pour Soleil, 10 MW de puissance électrique nécessaire, amenée par des lignes haute tension dédiées, de 10000V.

Voirie :
D'abord, la route sera "relissée" pour les besoins de Soleil car en ce moment le passage des camions induit des vibrations fatales au cahier des charges de l'instrument. Route sans doute pas élargie. Mais les problèmes de circulation à anticiper sont évidents. Il est question d'une déviation pour désengorger le rond-point de Saclay, mais où et comment, les choses ne paraissent pas claires.

Ruissellements et risques d'inondations dans les vallées dus à l'imperméabilisation des sols (question que j'ai posée pour Mme Colombel) :
Cela a été pensé pour Soleil. Il y aura un bassin de rétention des eaux de pluies de 6 000 m3.

Ces deux dernières questions se posent pour tous les autres projets, où chaque fois ce sont des centaines ou milliers de travailleurs supplémentaires (qu'on peut raisonnablement anticiper comme de nouveaux automobilistes, à moins qu'ils ne prennent tous le vélo ou des transports en commun qui ne sont pas prévus), et des 10000 m² de surface qui seront rendues imperméables.
Dans les exposés, chacun liste les surfaces de labo et de bureaux mais personne ne parle jamais des espaces de parkings.

Il faudra attendre la réunion publique prévue en début d'année prochaine pour aborder ces aspects qui préoccupent les populations, avec d'autres responsables de ces projets, plus proches de l'administration que de la science, et sans doute des élus.

Si vous pensez qu'il faudrait essayer de rapprocher l'échéance de cette seconde réunion, ou mieux, d'aider à son organisation, vous pourriez contacter Jacques Hur et ce groupe sympathique, qui a fait un excellent travail, (et que vous connaissez peut-être déjà ?). Je tiens ses coordonnées à votre disposition.

Cordialement.

Morvan Salez